Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/167

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de posséder son bourgeron et sa casquette ; et, quant à vos femmes et à vos filles… nous ne vous en disons pas davantage. »

C’était bien assez, en effet, pour jeter le trouble dans beaucoup d’esprits naïfs, tout nouveaux dans l’examen des idées, et incapables de se défendre des terreurs morales qu’un ébranlement soudain de la société produit toujours dans les masses. Qu’on ne nous dise pas que nous prêtons à la caste conservatrice des insinuations dont le peuple n’avait pas besoin pour trembler devant un fantôme. Le peuple est crédule, à Paris surtout, où il a l’imagination vive et impressionnable ; mais il faut que l’on invente quelque gros mensonge pour que la crainte lui vienne au cœur, car il a, au plus haut point, le courage physique et moral quand on le laisse à ses propres instincts. D’ailleurs, nous avons vu et entendu plus de cent fois ces missionnaires de l’épouvante, bien et dûment vêtus en bourgeois sous un petit essai de déguisement prolétaire, s’installant au milieu des groupes, et prêchant, en de certains jours, l’extermination des socialistes. La plupart du temps, craignant de passer auprès du peuple pour des agents provocateurs, ou de trouver par hasard devant eux quelque socialiste véritable qui les fit rougir de leurs calomnies, ils procédaient par le sarcasme, et Dieu sait qu’ils avaient peu d’esprit et de gaieté ; à cela seul, on voyait qu’ils n’étaient pas du peuple, car le sel conservateur est essentiellement lourd, et ne peut jamais arriver à l’atticisme parisien du véritable prolétaire.