Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/243

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de servage commun à tous, et pendant près de trente années d’apostolat assidu, bien souvent couronné par le martyre des meilleurs d’entre nous. Une fois le terrain préparé par un travail latent, le principe se révèle, d’ordinaire, par l’insurrection, en un mouvement collectif, spontané, anormal des multitudes, en une subite transformation de l’autorité. Une fois le principe conquis, la série de ses déductions et applications se déroule par un mouvement normal, lent, progressif, continu.

Il est faux que la liberté et l’indépendance puissent être disjointes et revendiquées l’une après l’autre. L’indépendance, qui n’est que la liberté conquise sur l’étranger, exige, pour qu’elle ne soit pas un mensonge, l’œuvre collective d’hommes ayant la conscience de leur propre dignité, la puissance du sacrifice, et la vertu de l’enthousiasme, qui n’appartiennent qu’aux hommes libres. Cela est si vrai, que, dans les conflits bien rares qui ont été soutenus par l’indépendance, sans l’intervention apparente de la politique, les peuples ont puisé leur force dans l’unité nationale déjà conquise.

Il n’est pas vrai que l’on ne puisse pas fonder de république sans le concours de toutes les vertus républicaines les plus sévères. Une pareille idée n’est qu’une vieille erreur qui a servi à fausser la théorie gouvernementale dans presque tous les esprits. Les institutions politiques doivent représenter l’élément éducateur de l’État, et l’on fonde précisément les républiques pour que les vertus républicaines, que