Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/352

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moyen âge. Ils luttent au besoin contre le pape lui-même. Ils ont un saint dont la légende est fort belle, et pour lequel ils se feraient volontiers hérétiques, si l’Église s’avisait de lui contester son orthodoxie. Leur liberté n’est pas seulement un droit et un avantage précieux, c’est une religion, un article de foi. À travers les âges, la corruption du dehors vient là pourtant modifier les formes austères et les mœurs stoïques. Elle s’est introduite dans ce sanctuaire ; elle savait y trouver des principes à combattre, quelque chose de grand et de fort à détruire ; qu’eût-elle été chercher à Andorre ? Andorre a conservé sa simplicité. Les gens vertueux par calcul sont incorruptibles.

Que l’auteur du livre nous pardonne de traiter plus durement que lui ces bons Andorrans, dont la vie heureuse et les douces manières ont apaisé en lui, on le sent, des velléités d’impatience bien légitime. L’indulgence est naturelle aussi quand on sent certaines bonnes fibres répondre à celles qu’on a dans le cœur ; mais on voit que notre voyageur n’a pas senti le sien tout à fait à l’aise dans cette république de sénateurs à houlette. Nous lui en savons gré, ainsi que de toutes les recherches consciencieuses qu’il n’a pas dédaigné de faire pour constater historiquement l’existence volontairement mystérieuse de cette république méfiante, qui renferme ses chartes dans une armoire de fer, et qui en défend l’approche aux profanes étrangers.

Nohant, 26 novembre 1854.