Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/356

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mann imagine, pour terminer son récit, que la maison sert à garder une vieille femme devenue folle par suite d’une affection trahie. Le vieux domestique est quelquefois obligé de la frapper de verges pour l’empêcher de se livrer à des transports furieux et à des excès contre elle-même. Le bras blanc et le joli visage appartiennent à une jeune parente de la folle, qui était venue la visiter. Un romancier ordinaire serait parti de là pour commencer une histoire d’amour entre le jeune curieux et cette belle. Mais Hoffmann ne se plaît pas aux lieux communs du roman : dès que son héros est arrivé à la certitude qu’il cherchait, il l’envoie guérir sa raison, fort compromise, au milieu de la nature, dans un petit village éloigné ; après quoi, il n’est plus question de rien : le conte est fini. Quelle serait la morale à tirer de cette bizarre conception ? Dirons-nous que, si ce jeune homme avait appliqué sa force de persévérance et sa fine sagacité à l’étude d’un problème scientifique, il serait peut être parvenu à quelque découverte vraiment utile ? C’est un fait trop évident. On pourrait commenter autrement ces efforts de l’esprit d’Hoffmann pour faire des trouées à travers les apparences ordinaires, et pour pénétrer aussi loin que possible dans l’inconnu. Certainement, l’infini s’étend partout autour de nous et dans tous les sens. Croire que l’on connaît tous les caractères et tous les jeux des passions humaines, c’est une illusion. S’il y a des démons de toute espèce sur la terre, il y a aussi des anges. Il doit se nouer et se dénouer à tout instant des combinaisons