Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/377

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que lorsque leur développement intellectuel leur donnera la force et le pouvoir d’y arriver, avec la sagesse et la volonté de s’y maintenir. Une nation instruite et policée à tous les degrés de l’échelle sociale n’est plus un rêve impossible : les ouvriers de nos grandes cités ont donné, en ces dernières années, la preuve (surabondante pour tout homme de cœur et de raison), que le savoir n’est pas et ne peut pas être le privilège d’une caste, et que la naissance, pas plus que la fortune, n’élargit le cerveau humain. Notre nation est comme une terre féconde : il ne s’agit que de la labourer, et c’est l’œuvre de nos instituteurs primaires, puis d’y jeter de bonnes semences, et c’est ce que se proposent de faire les auteurs de la Bibliothèque utile.

Rendons en passant justice à la monarchie constitutionnelle : c’est elle qui a le plus fait pour cette préparation intellectuelle du peuple. Elle a exécuté, sans le vouloir peut-être, ou du moins sans en prévoir toutes les conséquences sociales, le grand programme élaboré par la Révolution. Les lois d’instruction primaire ont hâté et facilité le travail d’enfantement de la démocratie. Mais ce n’était pas tout que d’ouvrir des écoles : c’était le début. Ce qu’on y enseigne, c’est le moyen d’apprendre ; ce qu’on y donne, c’est l’instrument du savoir, et non la science elle-même. C’est donc à compléter l’œuvre qu’il faut s’attacher.

Cette foule immense qui maintenant sait lire n’a rien ou presque rien à lire de sérieux et de profitable. Les livres de science ne sont pas à sa portée : à