Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/392

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le public et le sujet. Il ne semble pas qu’il vous le fasse voir par ses propres yeux, on dirait qu’il a voulu prendre l’œil réaliste de tout le monde pour le voir lui-même. Partout un dessin ferme, pur, consciencieux et fidèle ; partout un drame poignant de vérité naïve, une réalité grouillante dans les moindres détails. Rien pour l’effet, et partout un effet sûr et profond. L’illustration est bien comme le poème, la peinture exacte d’un désastre relaté dans une forme nette, humoristique, comique et déchirante en même temps. C’est le fait authentique avec ses incidents burlesques et ses épisodes navrants. En regardant avec attention ces innombrables dessins, depuis le sujet principal du chapitre jusqu’aux microscopiques vignettes où s’agite toute une population en désarroi au milieu d’un petit monde qui s’écroule, on se surprend à rire et à pleurer ; car on croit assister à l’événement. On oublie qu’ils ne sont plus, ces beaux seigneurs, ces bons bourgeois, ces pauvres ouvriers, ces dames charitables, ces paysans éperdus, ces moines effarés, ces miliciens intrépides, ces femmes qui emportent leurs enfants, ces enfants qui emportent les vieillards. On les plaint, on les aime, on les connaît, on voudrait courir à leur aide. On se persuade que l’on est leur contemporain, leur voisin, leur ami, leur compère. Merveilleuse puissance du vrai et du bon ! Qui se souciait à Paris de l’inondation de 1733 à Grenoble ? Tant d’autres sinistres ont passé depuis sur tous les points de la France ! Et voilà que ce désastre, confondu, sinon oublié, dans le nombre, revit comme un