Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/70

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échange. Mais ce signe ne tombe dans vos mains qu’a petites doses, et vous êtes trompés sur tous les objets échangés.

C’est qu’entre vous qui fournissez le blé, le vin, la viande, la laine, le bois, le fer, etc., tous les objets de première main, et l’artisan qui vous rend le drap tissé, le fer et le bois, le verre, toutes les matières travaillées et changées en ustensiles ou en étoffes de grande nécessité, il y a une grande main qui prend tout au plus bas prix possible, pour vendre au prix le plus élevé possible. Cette grande main, où reste le meilleur de votre production et de votre profit, c’est la spéculation ; c’est le crédit du riche ou de l’habile commerçant, qui peut ruiner le cultivateur et l’artisan, le producteur et le consommateur, celui qui travaille pour se nourrir et celui qui est obligé d’acheter sa nourriture pour travailler.

C’est ce beau crédit-là qui fait que le paysan sème du beau froment blanc, et qu’après l’avoir bien soigné moissonné, battu, engrangé et préservé, le paysan mange du pain d’orge, le pain que le riche donne à ses chiens ; c’est ce crédit qui fait que l’ouvrier des villes, qui vit de pain blanc, est obligé de payer son pain aussi cher que le riche, tandis que le riche n’est pas obligé d’augmenter le salaire de l’artisan, quand même ce salaire ne suffit pas à l’achat du pain ; c’est ce crédit qui fait que le paysan élève, nourrit et soigne des bestiaux, et que jamais il ne mange de viande, si ce n’est les jours de fête, et encore y a-t-il des endroits où la misère est si grande, qu’il n’en