Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/125

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CHRÉMYLE.

Tu as dit la vérité. Oui, voilà le sort qu’elle m’offre !

LA PAUVRETÉ.

Esclave, ce n’est pas la vie des pauvres que tu viens de dépeindre, c’est celle des gueux et des mendiants.

CHRÉMYLE.

C’est la vérité du proverbe : « Pauvreté, sœur de gueuserie ! »

LA PAUVRETÉ.

C’est un proverbe menteur ! Ma vie, à moi, n’a rien de commun avec la misère. Le gueux n’a jamais rien, il aime à croupir dans l’inaction. Le pauvre a toujours quelque chose. Il est sobre, il ne se laisse pas dégrader par le vice ; il s’estime et se respecte.

CHRÉMYLE.

Oh ! par Cérès ! tu nous promets là une belle vie, où, en épargnant et travaillant toujours, on ne peut pas laisser seulement de quoi se faire enterrer avec honneur !

LA PAUVRETÉ.

Qu’importe la pompe des funérailles, si la vie a été saine et heureuse ? Ignores-tu que je suis bonne au corps autant qu’à l’esprit ? C’est de Plutus que vous viennent la goutte, le gros ventre et les jambes enflées. C’est par moi que vous restez sveltes, légers, robustes et redoutables à vos ennemis ! Avec moi, on est modeste…

CARION.

Avec toi, on est voleur, et, comme il y a du danger à l’être, on a la modestie de ne s’en point vanter.

LA PAUVRETÉ.

Arrière, bouffon ! Les voleurs sont les ennemis de la Pauvreté et les premiers serviteurs de Plutus. (À Chrémyle.) Vois les orateurs, tant qu’ils sont pauvres, ils plaident pour le bonheur du peuple et la gloire de la patrie ; … dès qu’ils se sont enrichis, la patrie et le peuple n’ont pas d’ennemis plus cruels.