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Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/142

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étit vorace des pourceaux, et tu dédaignes de préparer les lits de maîtres pour les festins, de laver les écuelles et de rincer les coupes ! Va, tu n’es qu’un Scythe, un Sarmate et un centaure !

BACTIS.

Les animaux ne commandent pas, Carion ; ils lèchent la main qui les nourrit : l’esclave est forcé de lécher celle du maître.

CARION.

Je t’accorde qu’ils récoltent souvent plus de coups de pied chez certaines gens que le chien de la maison ; mais il mange avant le chien, et c’est quelque chose. D’ailleurs, aujourd’hui, tout est délices dans la maison de Chrémyle. Oh ! la belle chose que de devenir riche en un instant sans rien tirer de soi-même ! Tu ne le croirais jamais, nous voilà comblés de biens sans avoir fait aucun mal !

BACTIS.

Que s’est-il donc passé depuis ce matin ?

CARION.

Des choses étonnantes, mon garçon, de véritables prodiges ! Tout d’abord, Plutus, qui était à jeun, n’a songé qu’à se remplir le ventre ni plus ni moins qu’un simple mortel ; mais à peine a-t-il commencé à boire, qu’il est devenu aimable et généreux. Alors, tous les coffres de la maison se sont mis à regorger d’or et d’argent : notre puits, qui était à sec, s’est rempli d’huile excellente ; le toit de la maison s’est couvert de belles figues séchant au soleil ; nos cruche, ont été pleines d’essences ; toutes nos fioles à vinaigre, nos petits plats et nos marmites de terre ont été changés en beau cuivre brillant ; nos écuelles à poisson, qui étaient toutes pourries, se sont trouvées faites d’argent pur, et jusqu’à la ratière qui est devenue tout à coup d’ivoire ! Mes camarades et moi, nous allons bientôt jouer à pair ou non avec des statères d’or, et porter des manteaux, de pourpre, si cela nous convient !