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Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/207

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court tout droit vers la rivière… Monsieur ! rappelez-le, pardonnez-lui !… (Criant.) Jean ! reviens !… Monsieur te pardonne, Jean ! Il ne m’écoute pas !… Ah ! ce n’est pas possible de le laisser faire ! (Elle sort en courant.)


Scène XVII

DURAND, seul.

Elle en est folle, la maudite créature ! folle de ce nigaud, de cet écervelé, de ce manant !… J’ai eu beau m’en moquer, le rabaisser à ses yeux, l’humilier devant elle : il est jeune, il est beau garçon, et cela suffit ! Elle l’aime parce qu’il a vingt ans, parce que, le premier, il a osé lui parler d’amour ! elle l’aime parce que cela me révolte ! oui, par esprit de contradiction, pour me faire souffrir, pour me désespérer !… Pourtant, si c’était seulement de la bonté, de la pitié… J’ai eu un accès de violence… Certes, je lui ai fait peur. (Regardant par la fenêtre.) Ah ! les voilà qui reviennent, il la suit comme un chien… Ils ne se parlent pas… Elle le ramène ici ! Quoi ! je vais le voir, lui parler ?… Non, je ne veux pas, je le hais, ce misérable !… Les voilà qui s’arrêtent… Ils causent ensemble… Que peuvent-ils se dire ? Peut-être se moquent-ils de moi… Malheur à eux, s’ils s’entendent pour exploiter ma faiblesse !… Si je pouvais surprendre… Non, ils entrent dans la maison ;… mais, de ma chambre,… j’écouterai, oui ! J’entendrai peut-être ce qu’ils diront ici, et, s’ils ont l’audace de me railler,… eh bien, je les tuerai tous les deux !… Ah ! c’est horrible !… Non ! je… je ne sais pas ce que je ferai. J’ai envie de me tuer tout de suite pour me préserver de la démence… (il sort par la porte de droite en emportant son fusil d’un air égaré. Louise et Coqueret entrent par la porte du fond.)