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LE DRAC.

Qu’est-ce que vous avez donc brûlé, que ça sent si bon ?

FRANCINE.

Rien, rien… Mais pourquoi donc viens-tu avant d’avoir aidé mon père ?

LE DRAC.

Oh ! je l’ai aidé ! Mais le père André a voulu courir lui-même au village pour vendre son poisson.

FRANCINE.

Tu en as pris beaucoup ?

LE DRAC.

Oui, et v’là les coquillages pour votre souper.

FRANCINE, qui lui met sur la table une cruche et un morceau de pain.

Bon ! Donne-moi ça, et mange un morceau en attendant. Tu dois avoir faim. Moi, je vas éplucher ça dehors, pour ne pas salir la chambre. (À part.) Eh bien je n’y crois plus, au drac ; il n’est pas venu ! (Elle sort.)


Scène IV

LE DRAC, seul, regardant les aliments.

Boire, manger, qu’est-ce que cela peut être ?… Vivre avec un corps, marcher, autant vaut dire ramper !… Parler la langue des hommes, avoir un nom parmi eux, s’appeler… comment m’a-t-elle appelé ?… Nicolas ! Oui, c’est mon nom. Voyons donc ma figure !… (Il se regarde dans le miroir qui est à la muraille.) Ah ! oui, c’est bien celle de ce petit pêcheur dont ce matin le vent a fait chavirer la barque !… Alors, comme j’emportais tristement le cadavre de l’enfant vers la grotte du roi des elfes, que s’est-il donc passé ? Comme depuis ce moment ma mémoire s’est obscurcie !… Ah ! oui, je me souviens… Le roi des elfes a dit : « Depuis longtemps, tu m’implores pour que, par un prodige, je te permette de revêtir la forme humaine. Qu’il en soit donc ainsi : prends la figure, prends le corps de cet enfant, prends la vie qui lui a été vio-