Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/321

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moi, j’en jure ! — Mais quand vient maître Claude… (Faisant le terrible.) « Apporte-moi ici tes deux oreilles, Pierrot, pour que je te baille souvenance de mon commandement ! » (Reprenant sa voix.) C’est là qu’il ne faut point rire ! Il y a mademoiselle Louison qui n’est point si pire que son papa. (Faisant la jeune fille.) « Mon Dieu ! ne le saboulez point tant ! vous le rendrez encore plus sot ! » (Reprenant sa voix.) Mais, tout de même, ils sont toujours après moi. Pierrot par-ci, Pierrot par-là, à me traiter de bête. (Prenant plusieurs poses et plusieurs voix différentes.) « Pierrot est-il bête ! — Dame ! il est trop bête, Pierrot ! — Fi, Pierrot ! que c’est vilain d’être bête comme ça !… » (Voyant Ergaste qui rit et l’applaudit.) Oh la la ! oh la la ! (Il veut se sauver.)

ERGASTE, le retenant.

Eh bien donc, mon garçon, est-ce que je vous fais si grand’peur ?

PIERROT, se débattant.

Oui, monsieur, grand’peur, oui, monsieur le soldat.

ERGASTE.

Pourquoi me prends-tu pour un soldat ?

PIERROT.

C’est que, si vous n’en avez point l’habit, vous en avez la mine.

ERGASTE.

C’est bien jugé ! mais je ne suis point un soldat.

PIERROT.

Ça n’y fait rien, monsieur, soyez ce qu’il vous plaira, mais ne me faites point de mal, je ne vous parle point.

ERGASTE.

Tu es un vrai sauvage, l’ami ! et si tu discourais tout seul fort gaillardement tout à l’heure…

PIERROT.

Vous m’ecoutiez donc ? Voire, qui l’aurait su !… Mais je n’ai rien dit pour vous faire du tort ! je ne pensais seulement point à vous !