Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/128

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cher sans me rien dire, si bon lui semble. Vous comprenez, mon oncle ! Si elle me confesse son coup de tête, j’aurai le droit de la gronder et de l’interroger. Si elle veut me le cacher, je ne peux pas le lui reprocher sans la fâcher et l’humilier beaucoup. Songez qu’elle est chez moi et n’a pas d’autre asile : si je l’offensais, elle me quitterait, et où donc irait-elle ? Chez cette Charliette, que je crois capable de tout ? Non, je ne veux pas qu’elle me quitte, elle se compromettrait, elle donnerait à sa belle-mère les moyens de la perdre de réputation !

— En ceci comme en tout, tu es aussi sage que généreuse, mon Émilie. Ne lui dis donc rien, si elle est assez niaise pour vouloir te duper ; mais je parlerai à mon Jaquet, moi ! Sois tranquille, il ne saura pas que tu as entendu sa conversation avec la donzelle !

Justement nous arrivions sous les pins, où, faute de place dans les auberges, nombre de chevaux étaient attachés aux arbres, Jaquet ne s’occupait pas beaucoup d’avertir le vieux domestique de sa sœur. Il allait furetant de tous côtés, cherchant toujours mademoiselle de Nives, fort empêché de se renseigner autrement que par ses yeux, qui ne lui servaient guère dans l’ombre épaisse de la pinède. Forcé d’accourir à mon appel, il m’aida à embarquer Émilie.