Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/153

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» Mais comment pensez-vous qu’elle prit la chose ? Elle me tendit sa main, que je fis la sottise de vouloir baiser jusqu’au coude. Elle me la retira brusquement, d’abord fâchée ; puis, partant d’un éclat de rire nerveux :

— » Qu’est-ce que c’est que ces manières-là, mon cher Jacques ? me dit-elle. Je ne les connais pas, mais je sens que je ne les aime pas. Vous oubliez qui je suis ;… mais au fait vous ne le savez pas, et je vois qu’il est temps de vous le dire.

» Je ne suis pas ce que vous pensez, une fille avide de liberté et pressée de prendre un mari. Je ne suis pas du tout décidée au mariage. Je suis pieuse, dévote si vous voulez, et la vie de chasteté a toujours été mon idéal. Je n’ai pas été malheureuse au couvent par la faute des autres. C’est la règle qui était mon ennemie et mon bourreau. Il me faut du mouvement, de l’air, du bruit. Mon père était un cavalier et un chasseur ; je tiens de lui, je lui ressemble, j’ai ses goûts, la claustration me tue, j’ai horreur des couvents parce que ce sont des prisons où l’on m’a forcée de passer ma vie ; mais j’aime les religieuses quand elles sont bonnes, parce que ce sont des femmes pures et que leur renoncement aux douceurs de la famille me paraît œuvre de force et d’héroïsme. Je n’ai donc trompé personne quand j’ai dit, et je l’ai dit souvent, que