Page:Sand - Valentine, CalmannLévy, 1912.djvu/136

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dans ses yeux éteints, que Valentine le crut réellement sur le point de succomber. Elle se jeta à genoux près de lui, le pressa sur son cœur avec délire, le couvrit de caresses et de pleurs, et tomba épuisée elle-même dans ses bras avec des cris étouffés, en le voyant défaillir et rejeter en arrière sa tête froide et mourante.

Enfin elle le rappela à lui-même ; mais il était si faible, si accablé, qu’elle ne voulut point le renvoyer ainsi. Retrouvant toute son énergie avec la nécessité de le secourir, elle le soutint et le traîna jusqu’à sa chambre, où elle lui prépara du thé.

En ce moment, la bonne et douce Valentine redevint l’officieuse et active ménagère dont la vie était toute consacrée à être utile aux autres. Ses terreurs de femme et d’amante se calmèrent pour faire place aux sollicitudes de l’amitié. Elle oublia en quel lieu elle amenait Bénédict et ce qui devait se passer dans son âme, pour ne songer qu’à secourir ses sens. L’imprudente ne fit point attention aux regards sombres et farouches qu’il jetait sur cette chambre où il n’était entré qu’une fois, sur ce lit où il l’avait vue dormir toute une nuit, sur tous ces meubles qui lui rappelaient la plus orageuse crise et la plus solennelle émotion de sa vie. Assis sur un fauteuil, les sourcils froncés, les bras pendants, il la regardait machinalement errer autour de lui, sans imaginer à quoi elle s’occupait.

Quand elle lui apporta le breuvage calmant qu’elle venait de lui préparer, il se leva brusquement et la regarda d’un air si étrange et si égaré qu’elle laissa échapper la tasse et recula avec effroi.

Bénédict jeta ses bras autour d’elle et l’empêcha de fuir.

— Laissez-moi, s’écria-t-elle, le thé m’a horriblement brûlée.

En effet, elle s’éloigna en boitant. Il se jeta à genoux et baisa son petit pied légèrement rougi au travers de son bas transparent, et puis il faillit mourir encore ; et Valentine, vaincue par la pitié, par l’amour, par la peur