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LE BOUDDHISME AU TIBET

Attirés par ces actes de bienfaisance, qui furent bientôt connus au loin, beaucoup de prêtres étrangers s’établirent au Tibet pendant la vie de ces princesses et contribuèrent à généraliser la connaissance du bouddhisme.

Sous les successeurs du roi Srongtsan Gampo, la religion ne fut guère florissante. Pendant le règne de l’un d’eux, Thisrong de Tsan, qui vivait de 723 à 780 avant Jésus-Christ[1], le bouddhisme commença à se relever grâce aux utiles règlements de ce prince. Ce fut lui qui réprima avec succès une tentative faite par les grands, pendant sa minorité, pour supprimer la nouvelle croyance, et c’est grâce à lui que la foi bouddhique s’établit définitivement. Il décida le savant Pandit Santa Raksita (tib. Zhivatso), communément appelé Bôdhisattva, à quitter le Bengale pour se fixer au Tibet ; à sa demande le grand Gourou Padma Sambava (en tib. Padma joungue ou Ourgyen) de Kafiristan (Oudyana), renommé au loin pour sa connaissance extraordinaire des Dhāranis, de leur application et de leurs rites, quitta aussi sa résidence pour devenir sujet tibétain. Les sages indiens qui se décidèrent à s’établir au Tibet l’emportèrent sur l’influence des prêtres chinois et les doctrines qu’ils enseignaient. Ceux-ci avaient été les premiers missionnaires au Tibet ; ils paraissent avoir enseigné les doctrines de Nagarjouna avec les modifications établies par l’école Yogāchārya ; car d’après l’histoire du bouddhisme du Tibétain Pouton, ou Bouston, qui écrivait au quatorzième siècle, leur système défend de prendre aucune pensée pour objet de méditation. Padma Sambhava et les prêtres indiens ses successeurs développaient la loi dans le sens de l’école madhyamika, qui à cette époque avait pris dans l’Inde le pas sur le système Yogāchārya ; ils appuient sur l’assiduité dans la méditation sans distraction. Le roi Thisrong de Tsau, qui ne voulait pas laisser enseigner deux doctrines opposées, ordonna une discussion solennelle entre les Chinois Mahāyāna (nom évidemment symbolique de leur système) et les Hindous Kamalasila. Les Mahāyānas furent vaincus et obligés de quitter le Tibet, et depuis cette époque les prêtres indiens furent seuls appelés et enseignèrent la doctrine Madhyamika[2]. Le roi Thisrong construisit le monastère et le

  1. Ssanang Ssetsen, 787-845. Klaproth, 778.
  2. Voyez p. 28, Wassiljev, Der Buddhismus, p. 350 ; comparez p. 324-55, Rémusat, Nouv. journ. As., 1832, p. 44. Le Bödhimör appelle les deux doctrines Stou-min et Tsernin ; Georgi, Alphabet tibétain, p. 222, Dote (du Mdo ou Soutras) et Gyoute (du Gyout ou Tantras). Ces noms impliquent que les principes tantrikas s’étaient graduellement glissés dans le système madhyamika.