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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

fumée avec deux cuillères de cuivre ; avec la plus grande, nommée Gangzar[1], il puise l’huile dans un petit vase de cuivre et la verse dans la plus petite appelée « Lougzar »[2], de laquelle il laisse tomber l’huile goutte à goutte sur les offrandes.

Cette cérémonie porte quatre noms suivant le but de sa célébration :

1. Zhibai Chinsreg « sacrifice de paix », pour garder des calamités, famine, guerre, etc. ; pour diminuer ou neutraliser les effets des mauvaises influences et effacer les péchés. Le fourneau est carré ; sa partie basse est rouge, le haut est blanc. Sur le fond est marqué le signe « Lam », symbole de la terre.

Cet holocauste est ordinairement célébré après le décès d’une personne, parce que l’on suppose que les péchés du défunt sont réunis dans le fourneau par la vertu des Dharânis prononcés par le Lama officiant et par le pouvoir de Mélha ou Mélhaï gyalpo, « le seigneur des génies du feu », que l’on implore toujours dans ces occasions ; on croit que pendant la combustion des offrandes les péchés disparaissent pour jamais. Voici les termes de la prière à Mélha :

« Je t’adore et te présente les offrandes pour le défunt qui a quitté le monde et est entré dans le cercle ; pour lui qui habite dans l’assemblée des trois divinités miséricordieuses, qui sont tantôt calmes, tantôt en colère[3]. Je t’en supplie, purifie-le de ses péchés et des violations de la loi et montre-lui le droit chemin. Sarva-agne-dzala-ram-ram. »

Cette prière est reproduite planche XXV ; c’est une impression d’une gravure sur bois originale, venant du Tibet oriental[4] ; elle est placée sous

  1. Gang « faire plein, remplir » ; gzar, « cuillère à pot, grande cuillère ».
  2. ḅLug « verser ».
  3. Il est difficile de comprendre quelles sont ces divinités. D’après la phrase nous pourrions croire qu’il s’agit des trois Isvaras, c’est-à-dire, Brahma, Vishnou et Shiva (Schmidt, Mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. II, p. 23). Nous pourrions supposer, d’après la légende sur Brahma p. 72, que tous trois répriment les tentatives des démons. Si c’est la véritable interprétation, ils se mettraient en colère dans le cas d’activité, suivant les idées des Tibétains (voyez page 72). Mais je ne puis comprendre pour quelle raison le défunt, ainsi qu’il est dit ici, s’élèverait à la région où résident ces dieux, si considérés et si supérieurs à l’homme et aux divinités ordinaires ; car Shinje (voyez p. 59), devant qui le défunt comparaît, habite une région inférieure.
  4. Les points intersyllabiques n’existent pas dans la gravure originale, je donne donc ici la prière en caractères romains, en remplaçant les points intersyllabiques omis par des lignes horizontales : Yangṣ-pa-g̣sum-zhi-khro’i-lha-ts’hogs-dang-gar-ḍvang-thugṣ-rje’i-chenpo’i-drung-pu’jig-ṛten-’di-na-pha-rol-du-ts’he-las-’dhus-pa-ḍkyil-khor-la-phyag-ts’hal-lo-ṃchod-pa’bul-lo. ṣDig-ṣgrib-ṣbyangs-da-gsol, g̣nas-so-rab-tu-g̣sol ; lam-ḅstan-du-gsol. Sarva-agne-dza-la-ram-ram.