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Page:Schlagintweit - Le Bouddhisme au Tibet.djvu/59

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LE BOUDDHISME AU TIBET

contre eux. Il trouve que la véritable cause de ces maux, c’est l’existence ; que du désir naît l’existence et que l’extinction du désir entraîne la cessation de l’existence. Il se détermine alors, résolution prise cent fois déjà, à conduire les hommes au salut en leur enseignant la pratique des vertus et le détachement des choses du monde. Bien qu’il eût hésité jusqu’alors, il exécute enfin sa résolution de renoncer au monde pour embrasser l’état religieux. Il avait rencontré à quatre époques différentes, en se rendant à un jardin proche du palais, un vieillard, un lépreux, un cadavre et un prêtre.

Il avait atteint l’âge de vingt-neuf ans quand il quitta son palais, son fils nouveau-né et sa femme, qui, dit-on, donnait le jour à cet enfant au moment même de la rencontre de son époux et du religieux[1].

Sid-Dhārtha commença sa nouvelle vie en étudiant avec zèle les doctrines des brahmanes, et en se faisant le disciple des plus savants d’entre eux. Mécontent cependant de leurs théories et de leurs pratiques, il déclare qu’ils n’offrent pas les vrais moyens de salut ; il les abandonne et se livre pendant six ans à de profondes méditations et à l’exercice de grandes austérités. Il renonce bientôt à ces dernières, reconnaissant par sa propre expérience que les mortifications pratiquées par les brahmes n’étaient pas de nature à conduire à la perfection. Ces six années écoulées, il se rend à Bōdhimandā, lieu sacré où les bōdhisattvas devenaient bouddhas. Lorsqu’il y fut, s’étant assis sur une couche de gazon, du genre de Kusa, il arriva à la perfection suprême. Cette perfection se manifesta par sa souvenance exacte de tout ce qui concernait toutes les créatures ayant jamais existé ; en obtenant l’œil divin par l’aide duquel il voyait toutes choses dans l’espace des mondes infinis, et en recevant la science qui explique les causes du cercle sans fin de l’existence. Sākyamouni, ainsi doué de toutes ces prodigieuses et merveilleuses facultés, devint l’homme le plus sage, le plus parfait Bouddha. Mais, quoique arrivé à cet état de perfection, il hésitait encore à faire connaître ses doctrines, à les proposer aux hommes ; ses principes étant, selon lui, opposés à tout ce qu’on révérait alors. Il redoutait les insultes des hommes, créatures igno-

  1. Il est fort probable dit Wassiljew, dans son Buddhism, p. 12, que ce fut une guerre dans laquelle la tribu des Sākyas fut défaite et Sākyamouni obligé de fuir en exil, qui lui fit considérer l’existence comme une cause de peines et de chagrins, plutôt que la vue des quatre objets redoutés que mentionnent les légendes. On raconte, en effet, que la race des Sākyas fut presque entièrement détruite pendant la vie du Bouddha.