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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Cette justification d’orthodoxie amène naturellement à cette conclusion, que les disciples de Nagarjouna se savaient en opposition avec les écoles hinayāna et qu’ils les auraient accusées d’hérésie si ces dernières n’avaient adopté quelques-uns des principes du nouveau système, admettant par là l’exactitude des innovations ainsi introduites. Le système hinayāna vécut encore pendant plusieurs siècles ; Hiouen-Thsang rapporte fréquemment dans ses récits, qu’il a rencontré dans ses voyages des adhérents du « petit-véhicule. »

Nous ne trouvons, dans les livres traitant du système mahāyāna, aucune trace historique du développement de ses théories antérieure à l’apparition d’Aryasanga (en tibétain Chagpa thogmed), réformateur qui fonda l’école Yogachârya (en tibétain Naljor Chodpa)[1].

Il est donc impossible d’indiquer avec exactitude l’origine ou les auteurs des théories divergentes exposées dans les livres religieux mahāyāna, puisqu’ils étaient tous écrits avant l’époque d’Aryasanga. On remarque dans les livres relatifs à ce système deux divisions essentiellement différentes ; la première explique les principes de Nagarjouna qui ont été adoptés par l’école madyamika (en tibétain Boumapa), la seconde plus développée, est appropriée à l’école yogacharia, ou mahāyāna contemplative. Je traiterai séparément ces parties, comme aussi les particularités qui se sont développées dans la branche prasanga, la plus importante du système madyamika.

PRINCIPES FONDAMENTAUX MAHĀYĀNA

Les principes les plus importants de cette doctrine se trouvent dans les premiers ouvrages attribués à Nāgārjouna, parmi lesquels nous remarquons spécialement le Saniādhirājā, le Bouddhāvatamasāka et le Ratnakoūta.

Son dogme fondamental est celui du vide et du néant des choses (en tib.

  1. Aryasanga avait appris sa doctrine, dit-on, du Bouddha futur, Maitreya, président de la région Toushita ; il en reçut les cinq courts traités en vers connus au Tibet comme les cinq livres de Maitreya ou Champai chasngā. Csoma place son existence au dix-septième siècle, mais d’après les recherches de Wassiljew, pp. 225 à 230, il doit avoir vécu beaucoup plus tôt, car la biographie de son frère cadet Vasoubandha fut traduite en chinois par le célèbre Tshin qui régnait de 557 à 588 av. J.-C. On peut citer aussi comme preuve de l’antériorité de son existence les remarques de Wilson, dans R. As. Soc., vol. VI, p. 240, sur l’époque où furent écrits les principaux ouvrages sanscrits existant encore. Il croit qu’il est maintenant accepté qu’ils ont été écrits au plus tard un siècle et demi avant et après l’ère chrétienne.