Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
essai sur le libre arbitre

l’expérience, en partie d’après les faits que fournit l’expérience réelle, et que chacun peut constater. Ce n’est donc plus comme auparavant sur la volonté même, telle qu’elle n’est accessible qu’à la conscience, mais sur les êtres capables de vouloir, c’est-à-dire sur des objets tombant sous les sens, que notre examen va se porter. Si par là nous sommes condamnés à ne pouvoir considérer l’objet propre de nos recherches que médiatement et à une plus grande distance, c’est là un inconvénient racheté par un précieux avantage ; car nous pouvons maintenant faire usage dans nos recherches d’un instrument beaucoup plus parfait que le sens intime, cette conscience si obscure, si sourde, n’ayant vue sur la réalité que d’un seul côté. Notre nouvel instrument d’investigation sera l’intelligence, accompagnée de tous les sens et de toutes les forces cognitives, armées, si j’ose dire, pour la compréhension de l’objectif.

La forme la plus générale et la plus essentielle de notre entendement est le principe de causalité : ce n’est même que grâce à ce principe, toujours présent à notre esprit, que le spectacle du monde réel peut s’offrir à nos regards comme un ensemble harmonieux[1], car il nous fait concevoir inunédia-

  1. « Le principe de causalité est le père du monde extérieur » (V. Cousin.) Sans lui « on arriverait à considérer l’ensemble des événements et des êtres comme un simple monceau. » (M. Taine).