Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/10

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morique n’a été édité qu’en 1836, cinq ans après la Marie, de Brizeux. D’ailleurs, le poète exquis et pur qui a immortalisé la paysanne d’Arzannô ne voyait qu’un coin de son pays, encore n’était-ce qu’à l’ombre d’une femme. Souvestre, lui, dans les Derniers Bretons, embrasse la Bretagne et la peint tout entière avec une admirable largeur de touche, avec une étonnante intensité de couleur. Ce livre, vécu et composé en pleine convalescence du mal de Paris dont l’avait sauvé le sol natal, part d’une tendre gratitude et d’un enthousiasme de bonne foi. Dans sa course à travers les quatre évêchés bretonnants, Saint-Pol, Quimper, Tréguier et Vannes, Souvestre trace à grands traits le tableau de la vie populaire armoricaine, et son pinceau est trempé dans l’élixir magique où fermente en germe tout ce que ses successeurs mèneront à bien pour leur cher pays. Sauf Brizeux, qui ne procède que de soi-même, et dont les Bretons forment un poème d’une ampleur achevée, ceux qui ont travaillé la matière de Bretagne doivent saluer en Souvestre le véritable initiateur, à l’esprit large, au souffle fécond. Pour ne parler que des traditions, on ne semblait guère dans le public s’être douté, avant lui, de leur originalité non plus que de leur nombre. Ni le Voyage dans le Finistère, par Cambry, ni les esquisses de Dufilhol n’avaient eu de lecteurs. On en était encore aux brutes si agréablement raillées par la marquise de Sévigné, ou aux Chouans implacables et farouches. Et voilà que Souvestre revendiquait une place au soleil de l’Idéal pour ses Léonards, ses Kernévotes, ses Trécorois, ses Vannetais, en projetant sur leur hâle je ne sais quels éclairs de grandeur épique et de mystérieuse poésie.

Les Derniers Bretons auraient pu être dédiés aux humbles en l’honneur de qui ils ont été écrits ; car Souvestre chérissait d’un égal amour la terre, patrie qui dort, et le peuple, patrie qui marche. De là, dans le livre, une attraction marquée vers les mœurs, les portraits, les caractères, les croyances, les superstitions, les poésies, les drames, les contes et les légendes. En fait de littérature orale ou inédite, c’était ouvrir la voie : pour les poésies et les drames,