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seul poète de notre temps, chez lequel j’ai trouvé la faculté de créer des mythes, déclare M. Renan. Il prétend, ajoute mélancoliquement l’inimitable rhéteur, que mon âme habitera après ma mort, sous la forme d’une mouette blanche, autour de l’église ruinée de Saint-Michel, vieille masure frappée par la foudre, qui domine Tréguier. L’oiseau volera toutes les nuits,
Le mythe de la mouette.
avec des cris plaintifs, autour de la porte et des fenêtres barricadées, cherchant à pénétrer dans le sanctuaire, mais ignorant l’entrée secrète ; et ainsi durant toute l’éternité, sur cette colline, ma pauvre âme gémira d’un gémissement sans fin. — C’est l’âme d’un prêtre qui veut dire sa messe, murmurera le paysan qui passe. — Il ne trouvera jamais d’enfant pour la lui servir, répliquera un autre. » Impossible d’être plus mystique, plus harmonieux. Quant à la création du mythe, je laisse à M. Renan le soin de juger s’il n’y a pas ajouté foi un peu à la légère. Dès 1865, près de quinze ans avant que la Revue des Deux Mondes reçût la primeur des Souvenirs d’enfance, on lisait dans Ille-et-Vilaine, par M. de la Bigne Villeneuve, que, pendant les nuits d’automne, un mugissement sinistre semble sortir de la mare Saint-Coulman ; décuplé par l’écho, le cri du butor retentit lugubrement dans les prairies. Les paysans se signent, épouvantés, et racontent qu’un prêtre, englouti par l’inondation au moment où il célébrait la messe, est condamné à répéter éternellement son Dominus vobiscum demeuré sans réponse. Ce bruit est appelé le beugle de saint Coulman. Oiseau pour oiseau, le docte professeur au Collège de France ne pense-t-il pas qu’on