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LA GROAC’H DE L’ILE DU LOK.

surplis, et tous criaient à la fois, en nageant dans la friture :

— Houarn ! sauve-nous, si tu veux toi-même être sauvé !

— Sainte Vierge ! quels sont ces petits hommes qui chantent dans le beurre fondu ? s’écria le Léonard stupéfait.

— Nous sommes des chrétiens comme toi, répondirent-ils ; nous étions aussi venus à l’île du Lok pour chercher fortune, nous avons consenti à épouser la Groac’h, et le lendemain du mariage, elle a fait de nous ce qu’elle avait fait de nos prédécesseurs qui sont dans le grand vivier.

— Quoi ! s’écria Houarn, une femme qui paraît si jeune est déjà la veuve de tous ces poissons !

— Et tu seras bientôt dans le même état, exposé aussi à être frit et mangé par les nouveaux venus.

Houarn fit un saut, comme s’il se fût déjà senti dans la poêle d’or, et courut vers la porte, ne songeant qu’à s’échapper avant le retour de la Groac’h ; mais celle-ci, qui venait d’entrer, avait tout entendu. Elle jeta son filet d’acier sur le Léonard qui se transforma aussitôt en grenouille, et alla le porter dans le vivier, où se trouvaient déjà ses autres maris.

Dans ce moment, la clochette qu’Houarn portait à son cou tinta d’elle-même, et Bellah l’entendit à Lanillis, où elle était occupée à écrémer le lait de la veille.