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MAROUSSIA

sible de jouer son rôle de Judas tout entier, pour lui enlever toute raison, tout motif, tout prétexte de le mener jusqu’au bout ; c’est parce que nous savons que vous êtes le plus noble des fils de l’Ukraine, que nous vous demandons de vous effacer pour un temps devant cet indigne que votre gloire offusque et que l’envie seule jette dans les bras des Russes.

— Nul ne m’accusera de trahison au moins, nul de lâcheté, quand j’aurai accordé ce que tu me demandes ?

— Nul n’ignorera l’héroïsme de ton sacrifice ; au contraire. Nos amis qui m’envoient ne savent-ils pas ce qu’il doit t’en coûter de t’y résoudre ?

— Et, si, malgré tout, le misérable nous vendait ?…

— Il mourrait avant d’avoir accompli son forfait, dit tranquillement Tchetchevik. Il est, Dieu merci ! le seul traître possible de sa maison. Quelqu’un veille tout près de lui, qui ne le laisserait pas se déshonorer tout à fait. »

Il y avait sur la table plume, encre, papier ; l’ataman prit la plume. Tchetchevik tourna ses regards du côté de Maroussia, et lut son anxiété dans ses yeux. Sa petite amie ne se sentait pas à son aise. C’était si difficile à faire ce qu’exigeait du grand ataman son ami, qu’à la fin il pouvait bien se fâcher. Et alors, entre deux hommes de cette trempe, que pouvait-il se passer ?

Un sourire de Tchetchevik fit comprendre à la pe-