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MAROUSSIA.

voir par ses yeux l’aspect que présentaient les autres quartiers de la ville.

Elle eût semblé morte à un indifférent ; mais, de cent pas en cent pas, on rencontrait quelques hommes robustes, que le hasard seul ne pouvait pas avoir placés ainsi aux endroits d’où précisément on pouvait tout surveiller. Ces gens les laissaient passer d’un air insouciant, puis bientôt les dépistaient, et, revenant comme en flânant sur leurs pas, avaient, en fin de compte, pu se bien assurer qu’ils allaient droit leur chemin. L’un d’entre eux, voyant la grande taille du musicien, était venu distraitement le regarder de si près sous le nez, que Maroussia en avait tressailli.

« Il est hardi, ou peut-être étourdi, celui-là, » dit-elle à voix basse à son grand ami ; il a l’air de ne pas plus connaître le danger qu’une mouche.

— C’est un curieux, lui dit Tchetchevik ; ses intentions ne sont pas mauvaises. C’est une bonne race que ces gens de Tchiguirine ; ils iraient au feu comme à une promenade. »

Quand nos voyageurs arrivèrent à la porte de la ville, un géant de Cosaque, qui semblait sortir de terre, se présenta devant eux. Il avait des moustaches de deux lieues, et il leur barra le passage comme un clocher en pierre.

« Quel est votre chemin, mon vénérable ? demanda-t-il.

— Celui des honnêtes gens, mon brave.