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MAROUSSIA.

comme en feu. La croix brisée, cassée, se dessinait nettement sur le ciel. Les grands oiseaux d’un gris foncé, en passant entre les bandes rouges du couchant et la terre, se nuançaient des couleurs de l’arc-en-ciel.

Du haut du tombeau, on apercevait le Dniéper. Le fleuve avait des reflets d’acier poli. De l’autre côté du rivage s’élevaient des monts boisés, dont les bases étaient tout à fait noires, et les cimes comme enveloppées de rouges lumières.

On entendait le murmure sourd des eaux profondes et le frémissement de la brise dans les joncs. De temps en temps, du milieu du silence, perçait le cri d’une mouette, et bientôt la mouette elle-même miroitait au-dessus des flots comme un petit point capricieux.

« Il me semble qu’il ne manque à ce tableau charmant, dit le grand ami à Maroussia, pour être complet, qu’un peu de musique. Qu’en penses-tu ? Si je gratifiais le Dniéper d’une chanson ?

— C’est cela, c’est très-bien imaginé, dit Maroussia. Asseyons-nous et amusons-nous. »

Il prit son théorbe, et bientôt l’écho des montagnes répéta à plusieurs reprises la phrase chantée en pleine voix par le vieux musicien.

« Laissez-nous nos prairies ! laissez-nous nos steppes ! À qui sont-elles, sinon à nous ?

« Est-ce que leurs fleurs vous connaissent ?