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MAROUSSIA

s’amuserait en route, cet autre commettrait mille imprudences. Les opinions de la plupart étaient peut-être un peu avancées. Le caractère de Pierre n’était pas sûr, et Paul était bien faible pour supporter la fatigue d’un si grand voyage, car l’eau était très-loin.

« — J’irai moi-même, » se dit-elle à la fin.

« Elle s’empare de la cruche et se met en route, escortée pendant quelques pas par les acclamations chaleureuses de tous ceux qui aimaient mieux voir travailler les autres que travailler eux-mêmes.

« — Quelle écrevisse ! criait-on de tous les côtés ; quelle énergie ! Si elle se dépêche un peu, nous serons sauvés. » Les grenouilles pleurèrent d’attendrissement et les crapauds se pâmaient d’aise.

« Voilà mon écrevisse en route ; elle ne perd pas une minute, va droit son chemin, marche, marche, marche sans même prendre son temps pour respirer.

« Mais peu à peu la fatigue se fait sentir, et l’indignation commence à gronder dans son sein.

« — Suis-je folle de courir ainsi ? se dit-elle. Je file comme une flèche, cela n’a pas le sens commun. Soyons raisonnable, marchons sagement. »

« Reprenant alors son allure ordinaire, elle se remit à marcher comme toujours, à pas comptés. Elle mit sept ans à aller chercher son eau et dix à revenir à son point de départ. Cela n’est pour étonner personne ; une cruche pleine est autrement lourde et difficile à porter qu’une cruche vide.