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toit en place. La femme crut qu’il était temps d’agir elle courut au poulailler et saisit brusquement le coq. Celui-ci, effrayé, fit entendre son kikeriki sonore[1] et, au même moment, s’envolèrent tous les diables. La femme vit que son stratagème avait réussi : la grange était là, devant elle ; mais la façade restait inachevée, il manquait une assise de pierres : une ouverture l’indiquait nettement.

Son fils était sauvé !

Le diable se vengea cependant.

Lorsqu’on voulut battre le grain, tassé dans la nouvelle grange, un domestique jeta la première gerbe sur l’aire et jura :

« Godv… ! En voilà une ! »

« En voici deux ! » cria le diable, qui se trouvait derrière lui ; il le précipita en bas et lui cassa le cou. Le malheureux garçon n’eut pas même le temps de réciter un acte de contrition : le diable saisit son âme et s’envola dans les enfers.

On n’a jamais su fermer l’ouverture. On avait beau y fourrer des pierres, le diable venait et les arrachait. Ce n’est que depuis quelques années qu’on a démoli la grange et qu’on l’a remplacée par une autre[2].


Quelques pauvres artisans, des misérables qui avaient vendu leur âme au diable, usèrent aussi de ruse pour se sauver. Le finaud est un maréchal-ferrant (V. Maréchal-

  1. Dans beaucoup de pays, on croit que le chant du coq chasse les mauvais esprits. Voy. Sloet, 240 ; Grimm, Myth., III, 408. On trouvera plusieurs exemples plus loin.
  2. Communication de A. De Vreught (Meysse). Voy. aussi : Volkskunde, II, 180, de Blauwschuur te Kesselloo ; idem, 181, de Zwarte Poel te Everberg, où il est question d’un moulin ; idem, II, 182, de Duivelsschuur van Bierbeek (les diables sont remplacés par des Altermannekens) ; — ’t Daghet, 5e année, p. 19, de Duivelsschuur van Opvelp ; — Wolf, n° 187 : de Duivelsschuur van Galmaarde ; — Joos, I, 47 ; — Volksleven, I, 43 : de Duivelsschuur van Neerdorpen ; — Volk en Taal, III, 177 ; — Plönnies, Ruse de femme, p. 187.