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Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/103

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d’avoir trop servi, de s’être tant donné aux autres, qui voudrait se guérir du mal de sentir.

La trop forte tension cérébrale de la journée mettait en fuite le sommeil. Je m’enfermais dans mon cabinet de travail, comme un alchimiste avec ses cornues. Il s’agissait de faire sortir du creuset de mon cerveau le principe de toute vérité bouillonnante. Là-bas Paris s’amusait, chantait, aimait. Par instant la rumeur de cet immense rut envahissait la pièce. Mon imagination flambait soudain sous l’éclat impudent des milliers d’arcs électriques, entrevus à la terrasse des cafés, au cours de promenades nocturnes. Puis tout m’abandonnait à nouveau. Je n’étais plus qu’un point d’ombre sous le firmament étoilé, derrière ma petite amie, la lampe à huile du solitaire.

Alors j’évoquais mes démons, les philosophes ; je les faisais disserter, se battre. Kant attachait ses bas dans une chambre surchauffée ; Comte se montrait ridicule