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Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/37

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aux senteurs fades, compte parmi les plus somptueux palais où chanta mon enfance. La bretagne luisante, passée à la mine de plomb, que vous apercevez au fond de l’âtre abandonné et qui porte les armes d’un prieuré avec la date 1650, n’a jamais attiré mon attention comme le banc et la table massive en noyer verni, au centre de la pièce. Là s’asseyent les domestiques, le cocher et le jardinier à l’heure des repas.

Voir manger la valetaille était une de mes joies réservées. J’arrivais à pas de loup par cette porte, et je ne discernais qu’une rangée de dos courbés. Ce spectacle ridicule m’émerveillait toujours. Pour reconnaître les visages rasés, il me fallait ressortir et rentrer par la porte en face. C’était alors une armée de couteaux en train de sabrer un gros pain en forme de tourte. Chacun taillait semblablement la chose ronde sans l’épuiser, puis déchiquetait son quignon, suivant l’inspiration de son génie individuel. Les uns mordaient à même ; les autres fendaient propre-