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jusqu’en la métaphysique. Cela apparaît d’une telle évidence que l’expression « faire nature » peut s’entendre de mille façons et ne s’emplit de sens qu’au contact d’un système philosophique déterminé. Une esthétique apparaît comme un assemblage de principes dérivés d’une théorie générale où toutes les mailles de notre vie émotive et intellectuelle se coordonnent[1].

« La nature bien vue, disait Largillière, nous peut seule donner ces lumières originales qui distinguent un homme du commun… Les principes ne sont faits que pour vous mettre vis-à-vis de la nature »[2]. Soit, mais qu’appelez-vous nature bien vue ? Car tous nous voyons, et les procédés pour bien voir sont si nombreux ! — Rappelez-vous la page célèbre de Topffer. S’étant fait accompagner de vingt-cinq peintres d’égal talent, Topffer les installe au milieu d’une prairie où paît un âne. Voici nos gens à l’œuvre. Lorsque l’auteur des Menus propos, a obtenu vingt-cinq copies du modèle, il reste très étonné de ce phénomène étrange : toutes les esquisses, loin de reproduire une seule image, diffèrent entre elles considé-

  1. « Entre l’idée que nous nous faisons de l’origine et de l’essence du monde et le but que nous assignons à l’art il y a une corrélation étroite, encore que plus ou moins avouée. » Montargis. L’esthétique de Schiller.
  2. Cité par Oudry dans les Conférences de l’Académie de peinture.