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poétiques. Parmi les innombrables piécettes qui éclosent chaque jour… et meurent, dans ces revues d’amateurs aux titres alléchants, combien méritent qu’on les nomme poésies ! C’est déjà quelque chose, c’est beaucoup, lorsque ces lieux communs mesurés sont aussi beaux que de la mauvaise prose. Si le rythme était la ligne de démarcation qui différencie la prose de la poésie, un art poétique ou une géométrie en vers deviendraient de la poésie parce que rythmés. M’est avis qu’il faut laisser, comme le disait jadis Du Bellay dans la Défense et Illustration de la langue françoise « toutes ces poésies et aultres telles épiceries aux jeux floraux de Toulouse et au puy de Rouen. » La fin de la poésie vraie, de la poésie pure[1] consiste à créer non du joli mais du beau, oui du beau. Un madrigal bien tourné peut sembler très drôle, il n’est au grand jamais de la poésie. L’écharpe ondoyante du vers ne doit servir qu’à « vêtir de grandes pensées et de grands sentiments ». « La poésie, disait Hello, domine le temps et l’espace, elle nous oblige à sentir en frissonnant le voisinage réel de l’éternité qu’on oublie. »

Ne nous défendons pas pourtant de l’avouer : certaines choses se sentent bien et s’énoncent mal. Une

  1. L’expression est de M. Henri Morice. Voir l’Université catholique du 15 avril 1903.