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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/78

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s’adapte à un sentiment particulier ; sa précision varie en raison inverse de sa généralité. Un terme banal ou rongé par l’usure ne recouvre jamais que des états d’âme rances[1]. Le scrupule qui interdit à l’artiste d’utiliser un style tout en surface et de se servir de phrases toutes faites, dont le sens s’est évaporé au cours des siècles, apparaît aussi légitime que l’impossibilité logique pour un philosophe d’accepter sans examen les affirmations du consentement universel.

C’est pourquoi, conscient de son rôle d’écrivain, le poète symboliste, en psychologue averti, s’est imposé la rude mais glorieuse tâche de recréer toutes ses images et de nettoyer ses métaphores au point que toute sa personne y resplendisse.

Après l’exposé succinct des doctrines symbolistes sur le continu de la vie et la transformation qualitative de nos sentiments au cours de notre existence intérieure, on comprend sans peine la nécessité d’une réforme métrique[2].

  1. « … Une épithète banale n’est jamais absolument juste, puisqu’elle ne caractérise pas particulièrement le sujet. » Sully-Prudhomme, Testament poétique, p. 23.
  2. « En vérité, si l’on voulait bien y réfléchir, puisqu’on loue les parnassiens d’avoir créé pour eux un vers nouveau, qui n’est pas le vers romantique, et les romantiques, encore davantage, d’avoir émancipé le vers classique des entraves que lui avaient forgées les Malherbe et les Boileau, n’est-il pas plaisant qu’on dispute aux symbolistes le droit de chercher à leur tour