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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/287

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ÉPÎTRE XXXVII.


À MADAME DE FONTAINE-MARTEL[1].


(1732)


Ô très-singulière Martel[2],
J’ai pour vous estime profonde :
C’est dans votre petit hôtel,
C’est sur vos soupers que je fonde
Mon plaisir, le seul bien réel
Qu’un honnête homme ait en ce monde.
Il est vrai qu’un peu je vous grande ;
Mais, malgré cette liberté,
Mon cœur vous trouve, en vérité,
Femme à peu de femmes seconde ;
Car sous vos cornettes de nuit,
Sans préjugés et sans faiblesse,
Vous logez esprit qui séduit,
Et qui tient fort à la sagesse.
Or, votre sagesse n’est pas
Cette pointilleuse harpie
Qui raisonne sur tous les cas,
Et qui, triste sœur de l’Envie,
Ouvrant un gosier édenté,

  1. La comtesse de Fontaine-Martel, fille du président Desbordeaux : elle était telle qu’elle est peinte ici. Sa maison était très-libre et très-aimable. (Note de Voltaire, 1757.)

    Mme de Fontaine-Martel, que Voltaire, dans sa lettre du 18 auguste 1763, appelle la belle Martel, disait que quand on avait le malheur de ne pouvoir plus être catin, il fallait être m… Ayant demandé en mourant quelle heure il était : « Dieu soit béni ! ajouta-t-elle ; quelque heure qu’il soit, il y a un rendez-vous. » Voyez la lettre à Richelieu, du 19 juillet 1769. (B.)

  2. Dans la première édition on trouve en tête de l’épître ces quatre vers, supprimés dans les éditions suivantes :

    D’un recoin de votre grenier,
    Je vous adresse cette lettre,
    Que Beaugency doit vous remettre
    Ce soir au bas de l’escalier.
    Ô vous, singulière Martel…

    M. de Voltaire logeait alors chez Mme de Fontaine. (K.)