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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/279

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AMBITION ET POLITIQUE DE CHARLEMAGNE

Bretagne qui touche à l’Écosse, et lui donna le nom d’Angleterre. Ils y avaient déjà passé au iiie siècle ; et au temps de Constantin, les côtes orientales de cette île étaient appelées les Côtes Saxoniques.

Charlemagne, le plus ambitieux, le plus politique, et le plus grand guerrier de son siècle, fit la guerre aux Saxons trente années avant de les assujettir pleinement. Leur pays n’avait point encore ce qui tente aujourd’hui la cupidité des conquérants : les riches mines de Goslar et de Friedberg, dont on a tiré tant d’argent, n’étaient point découvertes ; elles ne le furent que sous Henri l’Oiseleur. Point de richesses accumulées par une longue industrie, nulle ville digne de l’ambition d’un usurpateur. Il ne s’agissait que d’avoir pour esclaves des millions d’hommes qui cultivaient la terre sous un climat triste, qui nourrissaient leurs troupeaux, et qui ne voulaient point de maîtres.

La guerre contre les Saxons avait commencé pour un tribut de trois cents chevaux et quelques vaches que Pépin avait exigé d’eux ; et cette guerre dura trente années. Quel droit les Francs avaient-ils sur eux ? le même droit que les Saxons avaient eu sur l’Angleterre.

Ils étaient mal armés, car je vois dans les Capitulaires de Charlemagne une défense rigoureuse de vendre des cuirasses aux Saxons. Cette différence des armes, jointe à la discipline, avait rendu les Romains vainqueurs de tant de peuples : elle fit triompher enfin Charlemagne.

Le général de la plupart de ces peuples était ce fameux Vitikind, dont on fait aujourd’hui descendre les principales maisons de l’Empire : homme tel qu’Arminius, mais qui eut enfin plus de faiblesse. (772) Charles prend d’abord la fameuse bourgade d’Éresbourg : car ce lieu ne méritait ni le nom de ville ni celui de forteresse. Il fait égorger les habitants ; il y pille, et rase ensuite le principal temple du pays, élevé autrefois au dieu Tanfana, principe universel, si jamais ces sauvages ont connu un principe universel. Il était alors dédié au dieu Irminsul ; soit que ce dieu fût celui de la guerre, l’Arès des Grecs, le Mars des Romains ; soit qu’il eût été consacré au célèbre Hermann-Arminius, vainqueur de Varus, et vengeur de la liberté germanique.

On y massacra les prêtres sur les débris de l’idole renversée. On pénétra jusqu’au Véser avec l’armée victorieuse. Tous ces cantons se soumirent. Charlemagne voulut les lier à son joug par le christianisme. Tandis qu’il court à l’autre bout de ses États, à d’autres conquêtes, il leur laisse des missionnaires pour les per-