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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/234

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CHAPITRE CXIX.

donner contre les Turcs, malgré la foi jurée, ainsi que nous l’avons vu[1].

Les deux grands ennemis de la Pologne furent longtemps les Turcs et les religieux chevaliers teutoniques. Ceux-ci, qui s’étaient formés dans les croisades, n’ayant pu réussir contre les musulmans, s’étaient jetés sur les idolâtres et sur les chrétiens de la Prusse, province que les Polonais possédaient.

Sous Casimir, au XVe siècle, les chevaliers religieux teutoniques firent longtemps la guerre à la Pologne, et enfin partagèrent la Prusse avec elle, à condition que le grand-maître serait vassal du royaume, et en même temps palatin, ayant séance aux diètes.

Il n’y avait alors que ces palatins qui eussent voix dans les états du royaume ; mais Casimir y appela les députés de la noblesse vers l’an 1460, et ils ont toujours conservé ce droit.

Les nobles en eurent alors un autre commun avec les palatins, ce fut de n’être arrêtés pour aucun crime avant d’avoir été convaincus juridiquement : ce droit était celui de l’impunité. Ils avaient encore droit de vie et de mort sur leurs paysans : ils pouvaient tuer impunément un de ces serfs, pourvu qu’ils missent environ dix écus sur la fosse ; et quand un noble polonais avait tué un paysan appartenant à un autre noble, la loi d’honneur l’obligeait d’en rendre un autre. Ce qu’il y a d’humiliant pour la nature humaine, c’est qu’un tel privilége subsiste encore.

Sigismond, de la race des Jagellons, qui mourut en 1548, était contemporain de Charles-Quint, et passait pour un grand prince. Les Polonais eurent de son temps beaucoup de guerres contre les Moscovites, et encore contre ces chevaliers teutoniques dont Albert de Brandebourg était grand-maître. Mais la guerre était tout ce que connaissaient les Polonais, sans en connaître l’art, qui se perfectionnait dans l’Europe méridionale : ils combattaient sans ordre, n’avaient point de place fortifiée ; leur cavalerie faisait, comme aujourd’hui, toute leur force.

Ils négligeaient le commerce. On n’avait découvert qu’au XIIIe siècle les salines de Cracovie, qui font une des richesses du pays. Le négoce du blé et du sel était abandonné aux Juifs et aux étrangers, qui s’enrichissaient de l’orgueilleuse oisiveté des nobles et de l’esclavage du peuple. Il y avait déjà en Pologne plus de deux cents synagogues.

D’un côté, cette administration était à quelques égards une

  1. Chapitre lxxxix.