Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
440
CHAPITRE CLVIII.

à la mort de la même manière, et que la dernière, étant enceinte, attendit qu’elle eût accouché, et se jeta dans les flammes après la naissance de son fils. Ce même missionnaire dit que ces exemples sont plus fréquents dans les premières castes que dans celles du peuple ; et plusieurs missionnaires le confirment. Il semble que ce dût être tout le contraire. Les femmes des grands devraient tenir plus à la vie que celles des artisans et des hommes qui mènent une vie pénible ; mais on a malheureusement attaché de la gloire à ces dévouements. Les femmes d’un ordre supérieur sont plus sensibles à cette gloire ; et les bramins[1] qui recueillent toujours quelques dépouilles de ces victimes, ont plus d’intérêt à séduire les riches.

Un nombre prodigieux de faits de cette nature ne peut laisser douter que cette coutume ne fût en vigueur dans le Mogol, comme elle y est encore dans toute la presqu’île jusqu’au cap de Comorin. Une résolution si désespérée dans un sexe si timide nous étonne ; mais la superstition inspire partout une force surnaturelle[2].

__________


CHAPITRE CLVIII.


De la Perse, et de sa révolution au xvie siècle ; de ses usages, de ses mœurs, etc.


La Perse éprouvait alors une révolution à peu près semblable à celle que le changement de religion fit en Europe.

Un Persan nommé Eidar, qui n’est connu de nous que sous le nom de Sophi, c’est-à-dire sage, et qui, outre cette sagesse, avait des terres considérables, forma sur la fin du XVe siècle la secte qui divise aujourd’hui les Persans et les Turcs.

Pendant le règne du Tartare Ussum Cassan, une partie de la Perse, flattée d’opposer un culte nouveau à celui des Turcs, de

  1. Voyez le chapitre de l’Ézour-Veidam (chapitre iv de l’Essai sur les Mœurs). (Note de Voltaire.) — Voyez aussi le Dictionnaire philosophique, au mot Ézour-Veidam.
  2. Voyez les étonnantes singularités de l’Inde et les événements malheureux qui y sont arrivés sous le règne de Louis XV, dans les Fragments sur l’Inde (Mélanges, année 1773), et dans le Précis du Siècle de Louis XV. (Note de Voltaire.)