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DE RODOLPHE II, MATHIAS, ET FERDINAND II.

avec l’argent de la France une armée qui ne reconnaissait que lui, il gagna quatre batailles, en moins de quatre mois, contre les Impériaux. Il comptait se faire une souveraineté le long du Rhin. La France même lui garantissait, par son traité, la possession de l’Alsace.

(1639) Ce nouveau conquérant mourut à trente-cinq ans, et légua son armée à ses frères, comme on lègue son patrimoine ; mais la France, qui avait plus d’argent que les frères du duc de Veimar, acheta l’armée, et continua les conquêtes pour elle. Le maréchal de Guébriant, le vicomte de Turenne, et le duc d’Enghien, depuis le grand Condé, achevèrent ce que le duc de Veimar avait commencé. Les généraux suédois Bannier et Torstenson pressaient l’Autriche d’un côté, tandis que Turenne et Condé l’attaquaient de l’autre.

Ferdinand III, fatigué de tant de secousses, fut obligé de conclure enfin la paix de Vestphalie. Les Suédois et les Français furent, par ce fameux traité, les législateurs de l’Allemagne dans la politique et dans la religion. La querelle des empereurs et des princes de l’empire, qui durait depuis sept cents ans, fut enfin terminée. L’Allemagne fut une grande aristocratie, composée d’un roi, des électeurs, des princes, et des villes impériales. Il fallut que l’Allemagne, épuisée, payât encore cinq millions de rixdales aux Suédois, qui l’avaient dévastée et pacifiée. Les rois de Suède devinrent princes de l’empire, en se faisant céder la plus belle partie de la Poméranie, Stetin, Vismar, Rugen, Verden, Brème, et des territoires considérables. Le roi de France devint landgrave d’Alsace, sans être prince de l’empire.

La maison palatine fut enfin rétablie dans ses droits, excepté dans le haut Palatinat, qui demeura à la branche de Bavière. Les prétentions des moindres gentilshommes furent discutées devant les plénipotentiaires, comme dans une cour suprême de justice. Il y eut cent quarante restitutions d’ordonnées, et qui furent faites. Les trois religions, la romaine, la luthérienne, et la calviniste, furent également autorisées. La chambre impériale fut composée de vingt-quatre membres protestants, et de vingt-six catholiques, et l’empereur fut obligé de recevoir six protestants jusque dans son conseil aulique à Vienne.

L’Allemagne, sans cette paix, serait devenue ce qu’elle était sous les descendants de Charlemagne, un pays presque sauvage. Les villes étaient ruinées de la Silésie jusqu’au Rhin, les campagnes en friche, les villages déserts ; la ville de Magdebourg, réduite en cendres par le général impérial Tilly, n’était point rebâtie ; le