Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE TROISIÈME.

ARGUMENT.

Stanislas Leczinski, élu roi de Pologne. Mort du cardinal primat. Belle retraite du général Schulenbourg. Exploits du czar. Fondation de Pétersbourg. Bataille de Frauenstadt. Charles entre en Saxe. Paix d’Alt-Mantstadt. Auguste abdique la couronne, et la cède à Stanislas. Le général Patkul, plénipotentiaire du czar, est roué et écartelé. Charles reçoit en Saxe des ambassadeurs de tous les princes ; il va seul à Dresde voir Auguste avant de partir.

Le jeune Stanislas Leczinski était alors député à l’assemblée de Varsovie pour aller rendre compte au roi de Suède de plusieurs différends survenus dans le temps de l’enlèvement du prince Jacques[1]. Stanislas avait une physionomie heureuse, pleine de hardiesse et de douceur, avec un air de probité et de franchise qui de tous les avantages extérieurs est le plus grand, et qui donne plus de poids aux paroles que l’éloquence même. La sagesse avec laquelle il parla du roi Auguste, de l’assemblée, du cardinal primat et des intérêts différents qui divisaient la Pologne, frappa Charles. Le roi Stanislas m’a fait l’honneur de me raconter qu’il dit en latin au roi de Suède : « Comment pourrons-nous faire une élection, si les deux princes Jacques et Constantin Sobieski sont captifs ? » et que Charles lui répondit : « Comment délivrera-t-on la république, si on ne fait pas une élection ? » Cette conversation fut l’unique brigue qui mit Stanislas sur le trône. Charles prolongea exprès la conférence, pour mieux sonder le génie du jeune député. Après l’audience, il dit tout haut qu’il n’avait jamais vu d’homme si propre à concilier tous les partis. Il ne tarda pas à s’informer du caractère du palatin Leczinski. Il sut qu’il était plein de bravoure, endurci à la fatigue ; qu’il couchait toujours sur une espèce de paillasse, n’exigeant aucun service de ses domestiques auprès de sa personne ; qu’il était d’une tempérance peu commune dans ce climat, économe, adoré de ses vassaux, et le seul seigneur peut-être en Pologne qui eût quelques amis dans un temps où

  1. Sobieski.