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CHAPITRE VI.


partie de la fable de l’ancien Back ou Bacchus, dont ils firent leur Moïse. Mais, que ces fables soient révérées par nous ; que nous en ayons fait la base de notre religion, et que ces fables mêmes aient encore un certain crédit dans le siècle de la philosophie, c’est là surtout ce qui indigne les sages. L’Église chrétienne chante les prières juives, et fait brûler quiconque judaïse. Quelle pitié ! quelle contradiction ! et quelle horreur !


CHAPITRE VI.
DE LA GENÈSE.

Tous les peuples dont les Juifs étaient entourés avaient une Genèse, une Théogonie, une Cosmogonie, longtemps avant que ces Juifs existassent. Ne voit-on pas évidemment que la Genèse des Juifs était prise des anciennes fables de leurs voisins ?

Jaho, l’ancien dieu des Phéniciens, débrouilla le chaos, le Khaütereb[1] ; il arrangea Muth, la matière ; il forma l’homme de son souffle, Calpi ; il lui fit habiter un jardin, Aden ou Éden ; il le défendit contre le grand serpent Ophionée, comme le dit l’ancien fragment de Phérécide. Que de conformité avec la Genèse juive ! N’est-il pas naturel que le petit peuple grossier ait, dans la suite des temps, emprunté les fables du grand peuple[2] inventeur des arts ?

C’était encore une opinion reçue dans l’Asie que Dieu avait formé le monde en six temps, appelés chez les Chaldéens, si antérieurs aux Juifs, les six gahamhârs.

C’était aussi une opinion des anciens Indiens. Les Juifs, qui écrivirent la Genèse, ne sont donc que des imitateurs ; ils mêlèrent leurs propres absurdités à ces fables, et il faut avouer qu’on ne peut s’empêcher de rire quand on voit un serpent parlant familièrement à Ève, Dieu parlant au serpent. Dieu se promenant chaque jour à midi dans le jardin d’Éden, Dieu faisant une culotte pour Adam et un pagne à sa femme Ève. Tout le reste paraît aussi insensé ; plusieurs Juifs eux-mêmes en rougirent ; ils traitèrent dans la suite ces imaginations de fables allégoriques. Comment pourrions-nous prendre au pied de la lettre ce que les Juifs ont regardé comme des contes ?

  1. Voyez le § xiii de l’Introduction à l’Essai sur les Mœurs, tome XI, page 40.
  2. Voyez page 208.