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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/247

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DES ÉVANGILES.


Mais qui a fabriqué ces quatre Évangiles ? n’est-il pas très-probable que ce sont des chrétiens hellénistes, puisque l’Ancien Testament n’y est presque jamais cité que suivant la version des Septante, version inconnue en Judée ? Les apôtres ne savaient pas plus le grec que Jésus ne l’avait su. Comment auraient-ils cité les Septante ? Il n’y a que le miracle de la Pentecôte qui ait pu enseigner le grec à des Juifs ignorants.

Quelle foule de contrariétés et d’impostures est restée dans ces quatre Évangiles ! N’y en eût-il qu’une seule, elle suffirait pour démontrer que c’est un ouvrage de ténèbres. N’y eût-il que le conte qu’on trouve dans Luc, que Jésus naquit sous le gouvernement de Cyrinus, lorsque Auguste fit faire le dénombrement de tout l’empire, cette seule fausseté ne suffirait-elle pas pour faire jeter le livre avec mépris ? 1° Il n’y eut jamais de tel dénombrement, et aucun auteur n’en parle. 2° Cyrinus ne fut gouverneur de Syrie que dix ans après l’époque de la naissance de ce Jésus. Autant de mots, autant d’erreurs dans les Évangiles. Et c’est ainsi qu’on réussit avec le peuple.


CHAPITRE XIV.

COMMENT LES PREMIERS CHRETIENS SE CONDUISIRENT AVEC LES ROMAINS, ET COMMENT ILS FORGÈRENT DES VERS ATTRIBUÉS AUX SIBYLLES, ETC.

Des gens de bon sens demandent comment ce tissu de fables qui outragent si platement la raison, et de blasphèmes qui imputent tant d’horreurs à la Divinité, put trouver quelque créance. Ils devraient en effet être bien étonnés si les premiers sectaires chrétiens avaient persuadé la cour des empereurs et le sénat de Rome ; mais une canaille abjecte s’adressait à une populace non moins méprisable. Cela est si vrai que l’empereur Julien dit dans son discours aux christicoles[1] : « C’était d’abord assez pour vous de séduire quelques servantes, quelques gueux comme Corneille et Serge. Qu’on me regarde comme le plus effronté des imposteurs si, parmi ceux qui embrassèrent votre secte sous Tibère et sous Claude, il y a eu un seul homme de naissance ou de mérite[2]. »

  1. Voyez, plus loin, le Discours de l’empereur Julien.
  2. Il est étrange que l’empereur Julien ait appelé Sergius un homme de néant, un gueux. Il faut qu’il eût lu avec peu d’attention les Évangiles, ou qu’il manquât de mémoire dans ce moment, ce qui est assez commun à ceux qui, étant