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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/113

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DE
LA PAIX PERPÉTUELLE
PAR LE DOCTEUR GOODHEART[1]

TRADUCTION DE M. CHAMBON.
(1769)

I.

La seule paix perpétuelle qui puisse être établie chez les hommes est la tolérance : la paix imaginée par un Français, nommé l’abbé de Saint-Pierre, est une chimère qui ne subsistera pas plus entre les princes qu’entre les éléphants et les rhinocéros, entre les loups et les chiens. Les animaux carnassiers se déchireront toujours à la première occasion[2].

  1. Cet écrit doit avoir suivi de très-près ou précédé de très-peu l’opuscule qui précède. Les Mémoires secrets en parlent, pour la première fois, à la date du 17 septembre 1769 ; mais d’Alembert en parle dans une lettre à Frédéric, du 7 août, comme d’un ouvrage déjà publié. (B.)

    — Le nom de Goodheart est formé de deux mots anglais qui signifient bon cœur.

    Le nom de Chambon est celui d’un théologien non moins imaginaire que le docteur, et dont Voltaire avait signé l’année précédente ses Conseils raisonnables à M. Bergier.

  2. Le projet d’une paix perpétuelle est absurde, non en lui-même, mais de la manière qu’il a été proposé. Il n’y aura plus de guerre d’ambition ou d’humeur lorsque tous les hommes sauront qu’il n’y a rien à gagner, dans les guerres les plus heureuses, que pour un petit nombre de généraux ou de ministres ; parce qu’alors tout homme qui entreprendrait la guerre par ambition ou par humeur serait regardé comme l’ennemi de toutes les nations, et qu’au lieu de fomenter des troubles chez ses voisins, chaque peuple emploierait ses forces pour les apaiser : lorsque tous les peuples seront convaincus que l’intérêt de chacun est que le commerce soit absolument libre, il n’y aura plus de guerre de commerce ; lorsque tous les hommes conviendront que si l’héritage d’un prince est contesté, c’est aux habitants de ses États à juger le procès entre les compétiteurs, il n’y aura plus de guerre pour des successions ou d’antiques prétentions. Alors les guerres deve-