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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/175

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JUIFS INCONSTANTS.

Il est difficile de concevoir que le petit-fils et toute la famille d’un homme qui avait vu Dieu face à face, qui avait reçu de lui deux tables de pierre, qui avait été revêtu de toute la puissance de Dieu même pendant quarante années, eussent été réduits à être chapelains de l’idolâtrie pour un peu d’argent. Si la première loi des Juifs eût été alors de n’avoir aucun ouvrage de sculpture, comment les enfants de Moïse se seraient-ils faits tout d’un coup prêtres d’idoles ? On ne peut donc douter, d’après les livres mêmes des Juifs, que leur religion était très-incertaine, très-vague, très-peu établie, telle enfin qu’elle devait être chez un petit peuple de brigands vagabonds, vivant uniquement de rapines.


CHAPITRE XVII.
Changements continuels dans la religion juive jusqu’au temps de la captivité.


Lorsqu’il ne resta que deux tribus et quelques lévites à la maison de David, Jéroboam, à la tête des dix autres tribus, adora d’autres dieux que Roboam, fils de Salomon. C’est du moins encore une preuve sans réplique que la religion juive était bien loin d’être formée. Roboam, de son côté, adora des divinités dont on n’avait point encore entendu parler. Ainsi la religion juive, telle qu’elle paraît ordonnée dans le Pentateuque, fut entièrement négligée. Il est dit dans l’histoire[1] des Rois qu’Achaz, roi de Jérusalem, prit les rites de la ville de Damas, et fit faire un autel tout semblable à celui du temple de Damas. Voilà certainement une religion bien chancelante et bien peu d’accord avec elle-même.

Pendant le règne d’Achaz sur Jérusalem, lorsque Osée régnait sur les dix tribus d’Israël, Salmanasar prit cet Osée dans Samarie, et le chargea de chaînes ; il chassa toutes les dix tribus du pays, et fit venir en leur place des Babyloniens, des Cuthéens, des Émathéens, etc. On n’entendit plus parler de ces dix tribus ; personne ne sait aujourd’hui ce qu’elles sont devenues : elles disparurent de la terre avant qu’elles eussent une religion à elles.

Mais les petits rois de Jérusalem n’eurent pas longtemps à se réjouir de la destruction de leurs frères. Nabuchodonosor emmena captifs à Babylone, et le roi de Juda Joachim, et un autre roi nommé Sédécias, que ce conquérant avait établi à la place

  1. Liv. IV, chap. xvi, verset 11. (Note de Voltaire.)