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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/113

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Alkmène ayant lavé ses fils, gorgés de lait,
En un creux bouclier à la bordure haute,
Héroïque berceau, les coucha côte à côte,
Et, souriant, leur dit : « Dormez, mes bien-ainiés.
Beaux et pleins de santé, mes chers petits, dormez.
Que la Nuit bienveillante et les Heures divines
Charment d’un rêve d’or vos âmes enfantines ! »
Elle dit, caressa d’une légère main
L’un et l’autre enlacés dans leur couche d’airain,
Et la fit osciller, baisant leurs frais visages,
Et conjurant pour eux les sinistres présages.
Alors, le doux Sommeil, en effleurant leurs yeux,
Les berça d’un repos innocent et joyeux.
Ceinte d’astres, la Nuit, au milieu de sa course,
Vers l’occident plus noir poussait le char de l’Ourse.
Tout se taisait, les monts, les villes et les bois,
Les cris du misérable et le souci des rois.
Les Dieux dormaient, rêvant l’odeur des sacrifices ;
Mais, veillant seule, Héra, féconde en artifices,
Suscita deux dragons écaillés, deux serpents
Horribles, aux replis azurés et rampants,
Qui devaient étouffer, messagers de sa haine,
Dans son berceau guerrier l’Enfant delà Thébaine.

Ils franchissent le seuil et son double pilier,
Et dardent leur œil glauque au fond du bouclier.
lphiklès, en sursaut, à l’aspect des deux bêtes,
De la langue qui siffle et des dents toutes prêtes,
Tremble, et son jeune cœur se glace, et, pâlissant,
Dans sa terreur soudaine il jette un cri perçant,
Se débat, et veut fuir le danger qui le presse ;
Mais Héraklès, debout, dans ses langes se dresse,
S’attache aux deux serpents, rive à leurs cous visqueux
Ses doigts divins, et fait, en jouant avec eux,
Leurs globes élargis sous l’étreinte subite
Jaillir comme une braise au delà de l’orbite.
Ils fouettent en vain l’air, musculeux et gonflés,
L’enfant sacré les tient, les secoue étranglés,
Et rit en les voyant, pleins de rage et de bave,
Se tordre tout autour du bouclier concave.
Puis il les jette morts le long des marbres blancs,