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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/255

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Leur nom, pour qu’on le sût dans les races lointaines.
Signer leur œuvre était pour eux un souci cher.

D’autres, dont l’art moins haut n’a pas connu l’enfer
De l’orgueil, soldats forts près des grands capitaines,
Ont passé comme va l’eau paisible aux fontaines,
Comme vont les doux bruits se perdre dans la mer.

Une religion de Grèce était qu’un temple
Fût aux dieux inconnus dressé. Le ciel est ample,
Et l’on n’offensait pas Aphrodite aux seins nus !

Ainsi ferai-je d’eux que plus rien ne renomme :
Pour ravir leur mémoire aux vains oublis de l’homme,
Je dresserai ces vers aux maîtres inconnus.

(Les Villes de marbre.)


LE COURANT


Il faudrait, pour quitter la ville, un vieux bateau,
Suivant l’eau lentement, sans voiles et sans rames ;
Sur des nuages blancs, aussi blancs que des femmes,
Le ciel d’été, l’azur étendrait son manteau.

Serré dans le granit comme dans un étau,
Le fleuve mord ses bords et glisse en courtes lames ;
Et la ville aux toits bleus tout pailletés de flammes
Parade bruyamment comme sur un tréteau.

Plus de quai ; des maisons d’un étage, des rives,
Les saules, les bouleaux, les aubépines vives,
Un coin du bien-aimé paysage français.

Les peupliers sont hauts, les collines sont bleues...
Où donc est la rumeur de foule où je passais ?
Je ne sais pas combien j’ai pu faire de lieues.

(Les Souvenirs.)


LE MOULIN


C’est par eau qu’il faut y venir.
La berge a peine à contenir
Le fouillis d’herbes et de branches,
Ce monde petit et charmant,