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Si, par hasard, feignant céder à nos tendresses,
Tu sembles entr’ouvrir ton mystère fatal,
C’est pour mieux nous frapper par un retour brutal.
Une vengeance dort en toutes tes caresses,
Et chaque mal qu’on tue engendre un nouveau mal !

La Science, il est vrai, pèse et voit nos misères.
Nous n’en souffrons que plus pour les connaître mieux !
Descend-il plus de paix en des cœurs moins pieux ?
Les peuples rapprochés deviennent-ils plus frères ?
Des meurtres mieux armés sont-ils moins odieux ?

Et toi, Ciel insondable, au sourire hypocrite,
T’avons-nous pas assez, fatiguant nos genoux,
Harcelé de soupirs lamentables et doux
Pour savoir si quelqu’un te parcourt et t’habite,
Si celui-là nous aime et ce qu’il veut de nous ?

As-tu jamais daigné nous répondre à voix claire ?
L’encens qu’on t’alluma se perd sur les hauts lieux.
Que de fois nous avons, vainement anxieux,
Changé, sans les atteindre et calmer leur colère,
La figure, et les noms, et les âmes des Dieux !

Justice, Vérité ! Vains mots, fantômes vides !
Puisque aujourd’hui, pas plus qu’hier, nous ne voyons
Vos blancheurs prendre corps au bout de nos sillons,
Ni pour guider le soc de nos labeurs arides,
Vos mains fermes s’ouvrir en lançant des rayons ;

Puisque la Guerre atroce et la Haine insensée
N’ont fait du vieux savant, doux, patient et fort,
Qu’un pourvoyeur plus lâche et plus prompt de la Mort,
Puisque grandit le Crime où grandit la Pensée,
S’allégeant, chaque jour, de l’antique remord ;

A quoi bon prolonger la lutte et la révolte ?
Transmettre, sans scrupule, à d’autres combattants
Un mot d’ordre menteur qui mène aux guets-apens ?
Les laboureurs sont las de semer sans récolte.
Ce monde peut mourir ! Je suis prêt et j’attends…

J’attends, j’attends encore… Ah ! suprême ironie !
Le rêve du néant, même, est un faux espoir !
Car voici que, soudain, là-bas, dans le fond noir