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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/487

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Il se dise : « De là sortirent bien des rêves !
Bien des illusions, bien des chimères brèves :
Parfois le mot touchant
Qui fait pleurer, ou bien le mot gai qui fait rire…
Mais — flèche venimeuse et lâche qui déchire —
Jamais le mot méchant ! »

(Les Visions sincères.)
APRÈS UNE LECTURE

Ce livre — que je viens d’achever — dans le monde
Se répand à milliers d’exemplaires, partout,
Apportant aux lecteurs friands d’un tel ragoût
Le régal des tableaux malsains dont il abonde.

De ce récent ouvrage on chuchote à la ronde
Entre femmes parfois, sans honte ni dégoût ;
Très jeune en est l’auteur… Sa jeunesse l’absout…
Et c’est une « œuvre », enfin ! Soit ! mais une œuvre immonde !

Prude ! oh non ! J’aime trop Boccace et Rabelais,
Mais je hais à l’égal d’un vrai crime, je hais
La morne obscénité, triste comme un carême…

On me lira très peu plus tard… comme à présent ;
Mais j’aurai cette joie, à mon heure suprême
Que nul n’aura sali son âme en me lisant !

(Les Visions sincères.)
DANS LE CLAIR JARDIN

Dans notre clair jardin, — le jardin de famille
Où, tout petit enfant, je jouais autrefois, —
Par la fenêtre, assis à ma table, je vois
Lisant, le front penché, l’air attentif, ma fille.

Elle est là, sous le dôme ombreux de la charmille,
En un coin familier, sur le vieux banc de bois
Où je lisais aussi les auteurs de mon choix
Jadis… Chers souvenirs dont le passé fourmille !