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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/550

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Que le fruit de ma vie, oui, l’œuvre de mon cœur,
Si l’avenir le veut ainsi, s’anéantisse :
Mais qu’il me soit donné de servir la Justice.


(Vers la Pensée et vers l’Action.)


LE PAIN


O pain des hommes, fruit merveilleux de la terre !
Depuis que le semeur pensif et solitaire
Aux noirs sillons t’a confié,
Par quel tenace effort, grain de blé, puis brin d’herbe,
Jeune épi, mûr enfin pour la faux et la gerbe,
As-tu si bien fructifié ?

Par quel âpre vouloir, germe visible à peine
Qui rêvais enfoui dans le sol de la plaine,
As-tu jailli vers le ciel bleu,
Gonflé de tous les sucs de la glèbe féconde,
Pour devenir, un jour, ce pain à croûte blonde,
Doré par le baiser du feu ?

Pour que fût accompli ce magnifique ouvrage,
Il a fallu que l’homme ajoutât son courage
A la patience du champ,
Que l’ardeur du soleil et la fraîche rosée,
L’air du ciel pénétrant sous la terre brisée,
Vinssent en aide au soc tranchant.

Pour que le pain naquit de la chétive graine,
Il a fallu des bœufs que l’énergie humaine
Eût dressés au rude labour,
L’infatigable faux, la meule qui se hâte,
L’eau, le sel, le levain frémissant dans la pâte.
Le rouge embrasement du four !

Ainsi pour te créer, ô pain, tout collabore.
L’oisif au lâche cœur et que l’ennui dévore
Te mange sans t’avoir compris ;
Celui dont le triomphe est d’asservir ses frères
Peut, lui qui s’enrichit de leurs pires misères,
Te regarder avec mépris ;

Mais le bon travailleur qui, peinant sans relâche,