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trop batailleuse. Le Type, journal adverse que rédige Max Waller, le futur fondateur de La Jeune Belgique, est frappé par le même ukase, — et l’ordre règne à Louvain… comme à Varsovie.

« En 1881, M. Émile Verhaeren entre au barreau de Bruxelles ; il y est stagiaire chez M. Edmond Picard ; mais il a bientôt jeté la toque et la robe aux orties. La littérature l’a pris tout entier ; il publie Les Flamandes (1883) et entre en plein dans ce mouvement de rénovation dont La Jeune Belgique et L’Art Moderne — après des hésitations « naturalistes » ou « parnassiennes » communes à toute une génération — sont, à cette époque, les deux porte-voix. Pendant une période de quatre ans, les deux recueils marchent unis à la conquête de la liberté littéraire en Belgique. Ils forment l’aile extrême de l’armée symboliste et remportent en Belgique un triomphe complet.

« La Société Nouvelle, d’abord presque exclusivement sociologique, apporte bientôt au mouvement jeune l’appoint d’une rédaction d’élite, sous la direction de M. F. Brouez. Puis, il y a La Basoche, où M. Khnopff est le tout premier laudateur de Verlaine et de Mallarmé qu’il a à défendre jusque dans L’Art Moderne. Et La Wallonie, admirable revue d’art pur, mène à Liège, sept ans durant, une belle campagne esthétique. MM. Mockel, Olin et de Régnier en formaient l’état-major.

« Après la mort de Max Waller, la direction de La Jeune Belgique passe aux mains de MM. Valère Gille, Gilkin et Giraud, et cette revue se sépare du mouvement symboliste. Les temps héroïques sont révolus. Voici Mæterlinck avec La Princesse Maleine, L’Intruse, Intérieur ; l’Europe et l’Amérique se sont émues, les publications naissent : Floréal, Le Réveil, La Nervie, Stella, L’Art Jeune !L’Art Moderne mène le bataillon ; ce journal s’est occupé, à un moment, plus des beaux-arts que des lettres. Avec MM. Picard et O. Maus, M. Verhaeren entame une campagne en faveur des impressionnistes Monet et Renoir en France, Vogels et Ensor en Belgique ; il se fait le champion de Seurat, de Signac, de van Rysselberghe, de de Groux, de Meunier ; ce dernier n’a pas eu de plus « prématuré » et de plus constant apôtre que L’Art Moderne ; et, de fait, ce journal hebdomadaire est le moniteur, pour la Belgique, des choses de la littérature et des arts ; nous lui savons, parmi l’élite parisienne, maints lecteurs assidus.

« M. Verhaeren avait déjà publié Les Contes de minuit, Les Flamandes et Les Moines : Les Flamandes correspondent chez leur auteur à une période de santé violente où l’instinct flamand des Jordaens et des Rubens lui apparaît plus beau que toute idée ; il ne trouvait, alors, en art, de vraiment grand que ces maîtres. Puis vinrent Les Moines (1886), où il alliait ses gros et lourds désirs de force au lot de mysticisme gagné au collège. Aussi ces Moines sont-ils forts, grands, violents et pieux. Il s’en fut à Forges (dans le Hainaut, près de la frontière française), où les princes