Page:Walch - Poètes d’hier et d’aujourd’hui, 1916.djvu/467

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Fronts ravagés, vieillis tout à coup de dix ans,
Plis des bouches, las de plaisirs ou méprisants,
Et ce désordre des cheveux, ces pattes d’oie.
Flétrissures de la douleur et de la joie !
Compagnons ballottés dans vos manteaux, pressés
D’arriver j’ignore où, venant d’où je ne sais,
Vous que transperce à chaque sursaut des voitures
Cette vrille de quels remords et courbatures,
Serait-ce de porter tant d’ombre de départs,
D’attentes, de destins errants, demain épars,
Que le train haletant d’inquiétude beugle,
Et sent une âme éperonner sa course aveugle ?
Ô froissements des nerfs à vif, lorsque le frein
Dans des jets de vapeur crisse contre la roue,
Noms des gares, criés d’une voix qui s'enroue,
Dans le ruissellement, sur des tôles, d’un grain,
Bruits retrouvés, toujours pareils, et vous, de même,
Images des modernes voyages, qu’on aime :
Odeur de houille, odeur de poussière et de cuir,
Âcre parfum de notre rêve, à nous, de fuir,
De nous évader loin d’où notre âme est liée,
Recluse en quelque chambre et sur soi repliée !
Pour tout de bon, vraiment, un soir comme aujourd’hui,
S’en aller, planter là son âme sédentaire
Avec son pauvre fond de phrases et d’ennui,
Et Dieu sait où, vagabonder... Grande est la terre.

(À Chaque Jour...)

ENCORE SI LE CŒUR ÉTAIT SEUL A SOUFFRIR

Encore si le cœur était seul à souffrir !
Lorsqu’il a gaspillé sa triste force, il goûte
L’endormeuse douceur d’un grand vide et s’écoute,
Comme une source au loin qui s’épuise, mourir.

Et même quand bientôt il repart, quand il mène
Son vacarme étouffé derrière la cloison,
Quelque sourd qu’il paraisse et de faible raison,
C’est un cœur, après tout, qu’un rien souvent ramène.